« La chétive pécore s’enfla si bien qu’elle creva » selon la fable de Jean de la Fontaine « la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ».

 C’est ce que m’a inspiré ce litige entre une société civile immobilière et son constructeur dont je vous conte l’histoire.

Le 19 janvier 2011, la SCI confie à la société Z la construction de deux maisons dans le cadre de contrats de construction de maison individuelle.

Les ouvrages sont réceptionnés le 14 juin 2012.

La SCI assigne son constructeur en remboursement du prix de certains travaux dont elle s’était réservé l’exécution.

En effet, les articles L231-1 et L231-2 du code de la construction et de l’habitation disposent que dans le cadre d’un contrat de construction de maison individuelle, le constructeur doit chiffrer le coût des travaux qu’il réalise mais également le coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve la réalisation.

Or, le coût de ces travaux avait été largement sous-estimé.

La SCI estimait donc que le constructeur devait prendre en charge le coût de la totalité des travaux sous-estimés.

La Cour d’appel lui donne partiellement raison, condamnant le constructeur à payer non pas la totalité des travaux réservés mais la différence entre le coût estimé et le coût réel des travaux.

Mécontente, la SCI forme un pourvoi.

A votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?

La réponse est non.

La Cour de cassation, dans cet arrêt du 10 novembre 2021 (RG n°20-19.323) indique que la mention du coût des travaux dont le maître d’ouvrage se réserve l’exécution a pour but de l’informer du coût global de la construction et ainsi lui éviter de s’engager dans une opération qu’il ne pourrait mener à son terme.

Il s’agit donc d’éviter à la grenouille de vouloir se faire aussi grosse que le bœuf.

Et la Cour de cassation en déduit que le constructeur doit supporter le dépassement du prix des travaux qu’il n’a pas chiffré de manière réaliste.

A retenir ainsi :

  • Il n’y a pas de droit à une jurisprudence constante : antérieurement la Cour de cassation avait décidé qu’en pareil cas, le constructeur assumait entièrement le coût de travaux réservés,
  • Le constructeur est tenu par le coût des travaux réalisés qu’il a lui-même chiffré. Si son évaluation n’est pas réaliste, il devra assumer le surcoût.