« La route de l’enfer est pavée de travaux en cours » disait Philip ROTH

Je vous raconte cette semaine l’histoire de copropriétaires, dans une résidence niçoise, qui confient, en 2009, des travaux à une entreprise abandonnant le chantier en cours, après avoir été payée, puis est mise en liquidation judiciaire.

Il s’agit de travaux de pose de garde-corps, suppression d’un escalier extérieur et de pose de deux échelles de toit. Le contrat d’un montant de 65.000 € est signé par le syndic et les travaux sont payés à hauteur de 57.000 €.

Le 31 juillet 2009, le syndic fait dresser un PV de constat par un huissier de justice qui relève des malfaçons et inachèvements.

Une expertise judiciaire est réalisée et l’expert conclut qu’il y a en pour près de 78.000 € de dégâts !

Le syndicat des copropriétaires, fort mécontent, assigne l’assureur de la société en liquidation judiciaire mais aussi son syndic au moment des travaux, auquel il reproche un manquement à son devoir de conseil et un manque de vigilance dans le suivi des travaux.

Si la justice dit que la société en liquidation a bien une dette de 78.000 € à l’égard de la copropriété, cela n’intéresse pas les copropriétaires puisque du fait de la liquidation, cette somme est irrécouvrable.

Et l’assureur de la société de travaux n’est pas non plus condamné. En effet, les désordres et inachèvements constatés n’étaient pas couverts par la garantie décennale, car visibles à réception tacite.

Il n’y a donc personne pour payer. Et c’est la raison pour laquelle le syndicat des copropriétaires entend obtenir la garantie de son ancien syndic et de son assureur.

Cependant, la Cour d’appel rejette les demandes estimant que :

« le constat fait par l’expert selon lequel le syndic, qui intervenait en tant que syndic mais aussi en tant que maître d’œuvre, ne pouvait ignorer la réalité de travaux réalisés, leurs conditions de mise en œuvre et d’exécution ainsi que les dommages apparus durant le chantier, est insuffisant à caractériser une ou des fautes susceptibles d’engager sa responsabilité ».

Insatisfait, le syndicat des copropriétaires forme un pourvoi en cassation.

Il reproche à la cour d’appel de ne pas avoir examiné si le syndic avait manqué à son devoir de conseil en :

  • N’alertant pas les copropriétaires sur la nécessité de s’adjoindre un maitre d’œuvre ou un ingénieur structure au regard de l’importance du chantier,
  • Une signature sans précaution du chantier,
  • Des paiements trop importants au regard de l’avancement du chantier.

À votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?

La réponse est oui.

Dans cet arrêt du 16 novembre 2023 (RG n° 22-21.144), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

Elle rappelle que le syndic est responsable à l’égard du syndicat des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission.

Elle reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir examiné si le syndic avait accompli toutes les diligences qui lui incombaient dans la gestion de travaux.

La cour d’appel de renvoi devra ainsi examiner si le syndic a commis des manquements dans le suivi des travaux et dans les paiements faits à l’entreprise.

Moralité : le syndic a tout intérêt à conseiller au syndicat de désigner un maître d’œuvre. Celui-là suivra et surveillera le chantier, établira les décomptes provisoires et définitif de travaux et dira au syndic quand régler.