« Tout est poison, rien n’est poison : c’est la dose qui fait le poison » disait Paracelse, médecin et alchimiste suisse au XVIe siècle.

C’est dommage qu’une telle idée n’ait pas inspiré cet exploitant dont je vous parle aujourd’hui.

Je vous raconte cette semaine l’histoire de propriétaires de maisons en zone rurale, excédés par l’activité voisine d’élevage de bovins.

En 2009, un éleveur de bovins décide d’agrandir son exploitation.

À la tête d’une exploitation de 160 bovins, il a pour ambition de l’étendre à 260 bovins.

Il sollicite et obtient de la mairie deux permis de construire deux hangars respectivement 2257 et 1550 m² à moins de 100 m des habitations voisines et pour certaines à moins de 20 m.

Les voisins s’y opposent et les permis de construire obtenu sont annulés pour atteinte à la salubrité publique.

Mais les voisins veulent aussi être indemnisée au titre du trouble anormal du voisinage subi.

Le tribunal comme la cour d’appel jugent que les pollutions sonores et olfactives et infestations d’insectes sont constitutifs d’un trouble anormal du voisinage en zone urbaine du village.

L’exploitant est condamné au versement de dommages-intérêts à hauteur de 110 000 € aux 6 voisins plaignants.

Mécontent, l’exploitant forme un pourvoi en cassation.

Il soutient que la nature essentiellement rurale de l’espace où il poursuit son activité agricole traditionnelle d’élevage exclut l‘anormalité des troubles allégués.

Il ajoute que l’article L 110 –1 du code de l’environnement dispose que les espaces, ressources et les milieux terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent font partie du patrimoine de la nation.

Autrement dit, son activité génère des nuisances normales et non excessives.

À votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?

La réponse est non.

Dans cet arrêt du 7 décembre 2023 (RG n°22-22.137) la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle indique tout d’abord que l’article 110 –1 du code de l’environnement visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises n’a pas pour objet ou pour effet d’exonérer les exploitants agricoles de la responsabilité encourue au titre des troubles anormaux du voisinage.

Et Elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu un trouble anormal du voisinage :

  • En présence de nuisances sonores et olfactives,
  • Avec une présence envahissante d’insectes,
  • Dans une zone urbaine accueillant quelques commerces et où sont interdites les constructions et installations dont la présence est incompatible avec la vie de quartier.

L’exploitant devra donc effectivement indemniser ses voisins

Deux remarques sur cette décision :

  1. Le trouble anormal du voisinage est une question de fait, d’examen concret de la situation.
  2. La proposition de loi en discussion visant à « préserver les activités traditionnelles et les usages locaux des actions en justice de voisins sensibles au bruit aux odeurs » pourrait changer la donne à l’avenir.