Je n’ai fait qu’une faute, c’est de n’être pas parti dès que je t’ai vue. Le jeu de l’amour et du hasard – Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux

Effectivement, cette société, dont je vous conte l’histoire aujourd’hui aurait mieux fait de passer son chemin ;

Le 29 mars 2017, la société consent un compromis de vente à Monsieur et Madame D pour la vente d’un bien sous condition suspensive d’obtention d’un prêt d’un montant de 241.000 € et d’une durée de 2 ans.

Les époux versent immédiatement un dépôt de garantie de 5000 € et la clause pénale est fixée à 22 500 €.

Le 24 mai 2017, les époux D informent la société de leur intention de mettre fin à l’achat de la maison pour non-obtention du prêt.

La société ne l’entend toutefois pas de cette oreille et, après démarche amiable, les assigne en paiement de la clause pénale.

Cependant, le tribunal judiciaire de Grenoble ne suit par la société et dit que la somme séquestrée doit être restituée aux époux D.


Mécontente, la société interjette appel.

Elle fait valoir tout à la fois que :

  • les époux D avait obtenu un accord de principe d’une banque,
  • le refus de crédit dont ils se prévalaient n’était pas conforme aux stipulations prévues par le compromis,
  • si les acquéreurs invoquent que la condition suspensive était impossible à réaliser, c’est eux-mêmes qui avaient fixé les caractéristiques du prêt.

La cour d’appel entend les arguments de la société.

Si elle estime qu’aucune faute ne peut être reprochée aux acquéreurs qui, même en sollicitant un prêt conforme aux caractéristiques du compromis ne l’auraient pas obtenu, compte tenu de leur patrimoine et leurs ressources mensuelles, en revanche, elle juge qu’ils se sont engagés avec une légèreté blâmable.

Elle retient donc que la non-réitération de la vente est imputable à tort aux acquéreurs et justifie l’application de la clause pénale.

Elle apprécie toutefois que la clause pénale est excessive et la réduit à la somme de 5000 € soit le montant du dépôt de garantie.

Cette fois-ci, ce sont les époux D qui sont mécontents.

Ils forment un pourvoi en cassation.

Ils soutiennent que la Cour ne pouvait, tout à la fois, juger que leurs ressources ne leur permettaient pas d’obtenir le financement et dire que la condition suspensive de prêt avait défailli sans leur faute.

Et ils ajoutent que la condition suspensive de prêt résultait de la commune intention des parties.

La Cour ne pouvait donc retenir qu’ils avaient agi avec une légèreté blâmable.

À votre avis, ont-ils obtenu gain de cause ?

La réponse est oui.

Dans cet arrêt du 9 novembre 2023 (RG n°22-13.900) la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

Elle rappelle, tout d’abord, que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.

Ainsi, dès lors que la cour d’appel a constaté qu’eu égard à leurs capacités financières, les époux D ne pouvaient obtenir un prêt, la condition suspensive a défailli sans faute de leur part.

Elle ajoute qu’un accord de principe ne constitue pas une offre ferme sans réserve caractérisant l’obtention d’un prêt.

Dans ces conditions et en l’absence de faute des époux D, ils ne pouvaient être condamnés au paiement d’une clause pénale.

Deux enseignements à retenir :

  • Le vendeur et l’intermédiaire immobilier doivent être vigilants sur la condition suspensive de prêt et s’assurer que celle-ci est bien réaliste.
  • Un accord de principe n’étant pas une offre ferme et définitive de prêt, l’obtention d’un accord de principe ne signifie pas ipso facto que le financement sera obtenu ou que la clause pénale est due.