« Chacun fait, fait, fait, ce qu’il lui plait, plait, plait » dit la chanson.

Je vous raconte cette semaine l’histoire d’une SCI, propriétaire de divers lots de copropriété, fort mécontente de décisions prises en assemblée générale.

La SCI saisit le tribunal judiciaire de Strasbourg le 5 janvier 2017 une action contestation de l’assemblée générale du … 30 mars 2015.

Les travaux de balcons votés par la copropriété lui posent en effet difficultés :

– le coût de réfection des balcons, parties communes, pèse sur les seuls copropriétaires disposant de balcons alors qu’il s’agit de charges générales devant être réparties en fonction des tantièmes entre tous les copropriétaires et non pas de l’utilité ;

 – les résolutions votées comportent des précisions non visées à l’ordre du jour (date de démarrage des travaux et date des appels de fonds) ;

– la pose de garde-corps relève de travaux d’amélioration et non de réfection qui auraient dû être votés à la majorité de tous les copropriétaires (article 25n de la loi du 10 juillet 1965) ;

– les travaux décidés ne sont pas conformes à la destination de l’immeuble en ce qu’ils ne sont pas conformes à la police du bâtiment, le projet ayant été refusé par l’architecte des bâtiments de France et n’ayant fait l’objet d’aucune autorisation administrative

 – les prestations de suivi du chantier apparaissent à deux reprises générant une double dépense pour la copropriété, de surcroît d’un montant prohibitif, ce qui relèverait d’un abus de majorité.

Cependant, et vous l’avez compris, la contestation de la décision d’assemblée générale intervient fort tard.


En cette matière en application de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaires opposant ou défaillant dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale pour en contester les dispositions.

Les demandes sont déclarées irrecevables par le tribunal judiciaire de Strasbourg.


La SCI ne s’avoue pas vaincue pour autant et relève appel de la décision.

Elle plaide que le délai de contestation d’une décision d’assemblée générale court non pas à compter de la première présentation de la lettre recommandée de notification mais à compter de la réception effective.


La cour d’appel confirme le jugement entrepris, constatant que par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 avril 2015 le procès-verbal d’assemblée générale a été effectivement notifié à la SCI.

Fort mécontente, la SCI forme un pourvoi cassation.

Elle soutient devant la cour d’appel :


– que le délai de recours ne court pas tant que la lettre recommandée n’a pas été retirée,


– qu’un délai d’action de recours ne court pas si l’intéressée n’a pas été en mesure d’agir,

  • que la date de première présentation de la lettre recommandée ne figurant pas sur l’avis de réception le point de départ du délai de recours relève d’une simple supposition.

À votre avis, la SCI a-t-elle obtenu gain de cause ?

La réponse est non.


Dans cet arrêt du 29 juin 2023 (RG numéro 21 – 21. 708), la Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel.

La Cour de cassation rappelle en premier lieu qu’en application de l’article 64 du décret du 17 mars 1967, la notification d’un procès-verbal d’assemblée générale fait courir le délai pour agir quand bien même la lettre recommandée ne parviendrait pas effectivement à son destinataire.


Elle approuve également la cour d’appel d’avoir considéré que ce délai de deux mois était parfaitement constitutionnel comme ayant pour objectif de sécuriser le fonctionnement des copropriétés, en évitant qu’un copropriétaire puisse, en s’abstenant de retirer sa lettre recommandée perturber le fonctionnement la copropriété.

Enfin, enfin en considérant que le procès-verbal d’assemblée générale notifié le 27 avril 2015 avait nécessairement été reçu plus de deux mois avant la date de délivrance de l’assignation le 5 janvier 2017, la cour d’appel a fait usage de son pouvoir souverain.


Il s’agit d’une décision parfaitement logique tant il serait risqué pour les copropriétaires que le fait de ne pas retirer lettre recommandée puisse faire échec au délai de recours de deux mois contre les décisions de l’assemblée générale.