« Dans une vie qui repose sur un perpétuel pari, le risque peut être un perpétuel bonheur » disait Jean GRENIER, écrivain et philosophe.

Je vous raconte cette semaine une histoire qui fait froid dans le dos !

Il s’agit d’une société désireuse de faire un investissement locatif.

En 2006, la société A achète à la société V des chambres dans une résidence pour personnes âgées dépendantes pour la somme de 350.000 €. Et en même temps, elle achète à une société L le mobilier destiné à garder les chambres pour 14.000 €.

Et le même jour elle conclut un contrat de bail commercial pour une durée de 11 ans et 9 mois avec la société L, chargée de la gestion de la résidence et de la sous-location des chambres de l’EHPAD.

Trois ans plus tard, un nouveau bail est conclu pour une période terminant septembre 2020.

Jusque-là tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Mais, en octobre 2013, des copropriétaires (c’est-à-dire la société A mais également tous les autres propriétaires de chambres) sont informés du déménagement de l’EHPAD.

La résidence est en effet trop petite pour accueillir de nouveaux résidents.

La société A est en colère, ces chambres ne valent absolument plus rien sans l’EHPAD !

Elle assigne alors son vendeur en résiliation de la vente.

Elle estime avoir été flouée par les vendeurs qui sciemment lui font perdre toute la valeur de ses investissements.

En effet il sera particulièrement malaisé de retrouver un nouvel exploitant pour cette résidence alors qu’une nouvelle résidence exploitée par la société L vient d’être construite à quelques kilomètres.

Toutefois, ni le tribunal ni la cour d’appel ne suivent la société A.

Les juridictions retiennent que la société avait était informée de la possibilité pour l’exploitant de résilier le bail et du fait que l’autorisation d’exploitation de l’EHPAD était attachée à l’établissement médico-social (la société L) et non au lieu.

Mécontente, la société elle forme un pourvoi en cassation

Elle soutient deux arguments :

  • Le transfert de l’autorisation d’exploitation de l’EHPAD résultait d’une décision des défendeurs qui ont ainsi troublé la propriété de l’acheteuse. Ils sont ainsi redevables de la garantie d’éviction.
  • La société A n’avait pas été informée du caractère temporaire de l’exploitation de l’immeuble (manquement à l’obligation d’information et réticence dolosive).

À votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?

La réponse est non

Dans cet arrêt du 28 septembre 2023 (RG n°22-15. 236) la Cour de cassation rejette le pourvoi.

La Cour de cassation approuve, en premier lieu, la Cour d’appel d’avoir retenu que l’autorisation d’exploiter en EHPAD n’était attachée ni à l’immeuble ni à son propriétaire mais à l’établissement médico-social exploité par la locataire. Or les vendeurs ne s’étaient nullement engagés au maintien des autorisations administratives existantes au jour de la vente. Le transfert de l’EHPAD ne constituait donc pas un trouble de fait ou de droit à la propriété de l’acheteuse.

En second lieu, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir retenu que l’acquéreur était informé, lors de la vente, que seul l’exploitant était titulaire de l’autorisation d’exploitation en EHPAD, et qu’il avait la possibilité de résilier le bail commercial à l’issue de la période fixée et de quitter les lieux avec l’autorisation administrative dont il bénéficiait pour l’établissement pour l’exploitation d’établissements médicaux légaux.

Moralité : il convient d’être particulièrement vigilant dans le cadre de ce type de montage et d’avoir à l’esprit qu’un bail commercial peut toujours être résilié. Il y a toujours un risque !