« Je laisserais bien mon corps à la science mais j’ai peur que les services fiscaux usent de leur droit de préemption » disait Jean Yann.

 

Cela n’a pas grand-chose avec le sujet du jour, sauf à parler de droit de préemption mais c’est toujours sympathique de citer jean Yann.

 

Je vous raconte cette semaine l’histoire d’un preneur qui apprend que les locaux dans lesquels il exerce son commerce sont promis à la vente à un tiers.

 

La société bailleresse (B) est mise en liquidation judiciaire en novembre 2017.

 

Le 7 mai 2019, le juge commissaire autorise la vente de gré à gré d’un immeuble de la société bailleresse au, profit de la société G, immeuble dans lequel le preneur a ses locaux.

 

Le Notaire de la société G, acheteur, notifie la vente au preneur et indique qu’il bénéficie d’un droit de préemption (article L145-46-1 du code de commerce).

 

La société P répond qu’elle entend faire usage de ce droit.

 

Le liquidateur de la société B saisit le juge commissaire, estimant que s’agissant d’une vente de l’immeuble dans sa globalité et non du seul local commercial, le preneur ne bénéficiait pas d’un droit de préemption.

 

Le juge commissaire rétracte son ordonnance du 7/05/2019 et ordonne un nouvel appel d’offres pour l’acquisition de l’immeuble précisant que le preneur ne bénéficiait pas d’un droit de préemption.

 

La société P conteste cette décision et interjette appel.

 

La Cour d’appel annule la décision du juge commissaire estimant qu’il ne pouvait rétracter sa décision, come ayant été dessaisi par son prononcé.

 

Cette fois-ci c’est l’acheteuse qui est mécontente et forme un pourvoi en cassation.

 

Elle soutient que la société P, preneuse ne pouvait bénéficier d’un droit de préemption dans le cadre de la vente des biens d’une société en liquidation judiciaire.

 

L’enjeu est évidemment colossal pour le preneur comme pour l’acheteur : à savoir l’acquisition de l’immeuble.

 

A votre avis, la société acheteuse a t’elle obtenu gain de cause ?

 

La réponse est OUI.

 

Dans cet arrêt du 23 mars 2022 (pourvoi n°20-19.174), la Cour de cassation indique que la vente de gré à gré dans le cadre d’une liquidation judiciaire est une vente faite par autorité de justice. Et dans ces conditions, le locataire ne bénéficie pas d’un droit de préemption.

 

A retenir ainsi : Si le locataire peut indiquer qu’il souhaite acquérir l’immeuble, il ne bénéficie d’aucune priorité et son offre est traitée comme celle de toutes les personnes intéressées.