Ah, les frissons du dernier jour ! Quel délice !

Je vous raconte cette semaine l’histoire d’une société, locataire, qui résilie son bail le dernier jour du délai.

La société V exploite un garage et a une activité de réparation/achat et vente de véhicules neufs et d’occasion.

Suivant contrat du 3 juillet 2014, elle rachète le fonds de commerce et le droit au bail d’une autre société.

Deux ans plus tard, son activité s’étant développée, les locaux sont devenus trop petit pour elle. Elle souhaite donc s’agrandir.

Le 31 janvier 2016, la société V adresse une lettre recommandée avec accusé de réception à son bailleur, indiquant donner congé pour le 31 juillet 2016.

Le bailleur ne répond pas.

Le 14 juin 2016, la société V demande au bailleur d’organiser un état des lieux de sortie.

Le bailleur ne répond pas.

La société V fait procéder à un état des lieux par huissier de justice.

Le 25 juillet 2016, elle adresse les clés au bailleur.

Le bailleur ne répond pas.

Le 2 août 2016, la société V demande la restitution du dépôt de garantie.

Pas de réponse.

Pas de réponse jusqu’au 29 mars 2017 où le bailleur fait délivrer à la société V un commandement de payer visant la clause résolutoire.


Eh oui, le bailleur estime que le congé n’était pas valable !

Il a en effet reçu le congé le 5 février 2016 soit moins de six mois avant le terme du 31 juillet 2016.

De son point de vue, le bail s’est donc poursuivi et en l’absence de paiement du loyer, le bail doit être résilié.

La société V, bien évidemment, ne partage pas ce point de vue et ne régularise pas le paiement de la somme réclamée.

Le bailleur assigne donc son locataire le 14 décembre 2017 aux fins de condamnation au paiement des sommes réclamées.

Le tribunal judiciaire estime toutefois que le congé était parfaitement valable et rejette cette demande de paiement de loyer.

Le bailleur relève appel de la décision.

La cour d’appel confirme le jugement de première instance.

La cour d’appel retient qu’une lettre envoyée le dernier jour du délai est régulière si elle est présentée par les services de la poste au destinataire, peu important de la date de réception par le destinataire lui-même.

Mécontent, le bailleur forme un pourvoi en cassation.

Le bailleur s’appuie sur l’article L145 -1-1 du code de commerce en vigueur à l’époque, pour dire que le délai de préavis courait non pas à compter de l’expédition de la demande mais à compter de la réception.

À votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?

La réponse est non.

Dans cet arrêt du 16 mars 2023 (RG numéro 21 – 22. 240), la Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel.

La Cour de cassation approuve en effet la cour d’appel d’avoir considéré que le congé était régi par l’article 668 du code de procédure civile de sorte qu’une lettre envoyée le dernier jour du délai dans lequel la notification doit être réalisée est régulière si elle est présentée par les services de la poste, destinataires habilités à la recevoir, peu important la date de réception par le destinataire.

En l’espèce, l’échéance triennale du bail expirait le 31 juillet 2016 et donc le congé de la locataire envoyé le 31 janvier 2016 par lettre recommandée respectait ce délai de six mois.

Vigilance donc sur le respect des délais !

En envoyant son congé par lettre recommandée avec accusé de réception, le locataire s’est exposé à une contestation.

D’ailleurs si la Cour de cassation avait respecté l’article R 145 -1-1 du code de commerce qui était alors en vigueur, le congé n’aurait finalement pas été valable. En effet, cet article prévoyait que lorsque le congé a été donné par lettre recommandée avec avis de réception, la date du congé était celle de la première présentation de la lettre.

Dans cette affaire, le locataire aurait pu s’ éviter cette longue procédure qui a duré près de 6 ans, soit en anticipant son congé, soit en saisissant un huissier de justice.

En effet ce dernier aurait pu remettre l’acte le jour même au bailleur.

Moralité : toujours anticiper ses actions ou saisir en urgence un professionnel.