L’arroseur arrosé !

Je vous raconte cette semaine l’histoire d’une société de travaux confronté à un client difficile. Si difficile que le chantier, malgré l’acompte payé, ne pourra débuter !

La société A soumet à son client, la société J, un devis de réalisation d’un décor en arrière-plan d’une nouvelle attraction.

La société J accepte le devis le 11 février 2019 mais barre la mention « hors échafaudage ».

Le 25 février 2019, la société J paye l’acompte contractuel de 40 % du montant des travaux soit 107.000 €.

Le 6 mars 2019, la société A notifie à la société J la suspension du chantier au motif que l’échafaudage n’était pas installé et que la structure métallique sur laquelle devait s’accrocher le décor n’était pas réalisée.

La société J conteste les motifs de cette suspension et après avoir reçu la demande d’indemnisation de la société A à hauteur de 307.000 €, la met en demeure de lui restituer le montant de l’acompte versé.

La société J assigne alors la société A en résolution du contrat et en indemnisation de ses préjudices, réclamant plus de 200.000 €.

Et si en première instance la société J obtient un certain succès puisque la société est condamnée à lui rembourser l’acompte versé, en revanche devant la cour d’appel, la décision inverse est rendue la société J étant condamnée à verser la somme de 145 000 € à la société A, qui en outre conserve l’acompte contractuel.

Mécontente, la société J forme un pourvoi en cassation.

Elle soutient trois arguments :

  1. La cour d’appel n’a pas recherché si la première tranche des travaux prévus au devis qui consistait en la réalisation d’une structure secondaire destinée à être fixée sur la structure primaire en maçonnerie nécessitait l’installation d’un échafaudage.

Autrement dit, la société J considère que la société A aurait pu réaliser une partie des travaux même en l’absence d’échafaudage.

  • Le devis accepté ne stipulait nulle part que la société J avait l’obligation de poser un échafaudage avant le commencement des travaux,
  • La société A avait elle-même manqué à ses obligations en refusant de démarrer le chantier de réalisation des travaux qui ne nécessitaient pas le montage d’un échafaudage.

À votre avis, la société J a-t-elle obtenu gain de cause ?

La réponse est non.

Dans cet arrêt du 22 juin 2023 (RG n° 22 – 15. 601), la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle retient que si la société J avait rayé la mention « hors échafaudage » sur le devis de la société A, elle n’avait ni sollicité l’établissement des devis rectificatif ni offert un supplément de prix pour cette prestation.

Elle retient également que la société A avait donné l’ordre à ses sous-traitants d’aider seulement au montage de l’échafaudage et n’avait pas entendu en assumer la responsabilité.

La société A n’était donc pas chargée du montage de l’échafaudage

Elle approuve ensuite la cour d’appel d’avoir relevé que le décor prévu devait être placé sur un mur d’une hauteur de 15 m de sorte que sa réalisation par la société A imposait la pose préalable d’un échafaudage.

Enfin, la cour d’appel a retenu que la société J n’entendait pas assumer la charge nécessaire à l’exécution du chantier et que cette inexécution était de nature à bloquer le chantier.

La société A, pour sa part, devait assumer l’hébergement de ses agents, avait contracté avec ses propres fournisseurs et avais un autre chantier à compter du mois de mai 2019.

La cour d’appel a ainsi pu retenir que la société J n’avait pas exécuté sa part de marché et que la résolution du contrat devait donc être prononcée à ses torts exclusifs.

Moralité : entreprise de travaux, faites attention aux mentions rajoutées ou enlevées par vos clients sur vos devis !

En effet pour éviter cette procédure qui a duré près de quatre ans la société A aurait pu bloquer immédiatement le processus commercial à réception de son devis biffé.

Elle aurait alors indiqué par écrit à son cocontractant que le devis n’était pas valablement signé et qu’il convenait soit de conclure un avenant soit de mettre fin aux négociations.