« Adresse, force, ruse et tromperie. Tout est permis en matière d’amour » disait Jean de la FONTAINE

Eh bien, ce n’est pas vrai en matière de vente immobilière !

Je vous raconte cette semaine l’histoire de Madame W qui a fait l’acquisition en 2016 d’une maison aux Antilles, avant de s’apercevoir que celle-ci subissait des nuisances liées à l’échouage saisonnier d’algues sargasses.

Ces algues peuvent provoquer irritations oculaires, maux de gorge et nausées.

Cette circonstance ayant des répercussions négatives sur sa santé fragile et celle de son fils, Madame W entend restituer la maison à la venderesse.

Cette dernière s’y opposant, Madame W saisit la Justice en invoquant à la fois avoir été victime d’un dol et d’un vice caché.

La Cour d’appel lui donne tort.

Mécontente, Madame W forme un pourvoi en cassation.

Elle reprend ses deux fondements juridiques pour plaider :

  • S’agissant du dol, le texte de l’article 1137 du code civil impose uniquement d’une part la démonstration de mensonges ou manœuvres du vendeur et d’autre part la démonstration du caractère déterminant de ces manoeuvres ou mensonges sur le consentement de l’acheteur.

En rejetant sa demande au motif qu’il n’était pas prouvé que la venderesse avait conscience du caractère déterminant de ses mensonges sur le consentement de l’acheteur, la Cour d’appel a ajouté au texte une condition non prévue selon Madame W.

  • S’agissant de la garantie des vices cachés, le texte de l’article 1641 du code civil impose la démonstration que la chose est affectée d’un vice qui la rend impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou à un prix moindre s’il en avait eu connaissance.

En l’espèce, en jugeant que le phénomène des algues sargasses est un phénomène naturel extérieur et imprévisible ne constituant, comme tel, pas un vice caché, la Cour d’appel a jouté au texte une restriction qu’il ne prévoyait pas selon Madame W.

A votre avis, a-t-elle obtenu gain de cause ?

La réponse est oui.

Dans cet arrêt du 15 juin 2022 (RG n°21-13.286), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel sur les deux fondements :

  • Le dol : La Cour d’appel aurait dû retenir le dol dès lors qu’elle constatait la réunion de deux conditions prévues par le texte à savoir des manœuvres ou mensonges et le caractère déterminant de ceux-ci sur le consentement de l’acheteur.
  • La garantie des vices cachés : La cour d’appel a ajouté au texte une restriction qu’il ne prévoyait pas en décidant qu’un phénomène extérieur naturel et imprévisible ne constituait pas un vice caché.

Et voici encore une fois l’illustration de la nécessité de transparence à l’égard de l’acheteur !