« Deux sûretés valent mieux qu’une,

Et le trop en cela ne fut jamais perdu »

Disait la fable de LA FONTAINE « le-loup-la-chevre-et-le-chevreau ».

Voici ce qui a manqué à l’acquéreur dans mon histoire du jour.

Je vous raconte cette semaine l’histoire de Monsieur X, qui pensait avoir fait une très bonne affaire.

En 2009, Monsieur X achète une villa dans la région d’AIX EN PROVENCE, au prix de 170.000 € alors qu’elle avait été affichée à 636.000 € en agence.

Vous voyez le loup ?

Rassurez-vous, Monsieur X l’a vu aussi.

La villa avait fait l’objet d’un arrêt de péril et d’un arrêté d’évacuation.

Cette villa faisait partie d’une copropriété de deux lots construite en 2002.

La livraison des deux villas était intervenue en 2003.

Et très vite les propriétaires des deux villas s’étaient plaints d’un risque d’effondrement des murs bétoflor situés en amont de la villa 1 et en aval de la villa 2.

Des opérations d’expertise ont été entreprises.

Les vendeurs de Monsieur X obtiennent la condamnation de l’assureur dommages ouvrage à leur verser une indemnité de 175.000 €.

L’assurance dommages-ouvrage est une assurance permettant le préfinancement de travaux de reprise de désordres de nature décennale.

Ces désordres sont, en substance, ceux qui portent atteinte à la destination ou à la solidité de l’ouvrage.

En l’espèce, le risque d’effondrement est incontestablement un désordre décennal.

Les travaux de reprise, dont le principe est validé par l’expert, ne sont pas réalisés par le vendeur.

Dans l’acte de vente, il est mentionné :

  • La procédure d’expertise
  • L’indemnité versée par l’assurance aux vendeurs,
  • Que les travaux de reprise n’ont pas été réalisés,
  • Les vendeurs conservent la maitrise de la procédure contre l’assureur,
  • Le prix de vente a été réduit pour tenir compte de travaux à réaliser par l’acheteur.

Monsieur X achète dans ces conditions et réalise de travaux pour rendre la maison habitable.

Mais ce sont des travaux a minima, bien différents de ceux validés par l’expert, et bien moins couteux.

En clair, il y a en a pour bien moins que 175.000 €.

L’assureur s’en aperçoit et assigne Monsieur X aux fins de restitution de l’indemnité d’assurance, déduction faite du coût des travaux effectivement réalisés.

L’assureur indique que l’indemnité doit être affectée aux travaux avec pour conséquence que l’enveloppe non dépensée est restituable.

Et l’assureur gagne, par deux fois :

  • Devant le tribunal,
  • Devant la Cour d’appel.

Monsieur X est condamné à restituer 136.000 € à l’assureur.

Mécontent, il forme un pourvoi en cassation.

Il soutient trois arguments :

  1. L’action en répétition d’indu ne peut être engagée à son égard puisque ce n’est pas lui qui a reçu les fonds,
  2. La transmission à son profit de l’assurance DO n’emporte pas transmission des créances détenues contre l’assureur,
  3. L’assureur était tiers au contrat de vente. Il ne pouvait donc pas se prévaloir d’une réduction de prix consentie par les vendeurs à l’acheteur pour lui permettre de réaliser les travaux.

A votre avis, a-t-il obtenu gain de cause ?

La réponse est NON.

Dans cet arrêt du 13/04/2023 (RG n°19-24.060), la Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel.

La Cour a constaté :

  • Qu’avait été alloué à l’acquéreur une réduction du prix de vente au moins égale au bénéfice de l’indemnité d’assurance, ce qui valait transfert de l’indemnité d’assurance,
  • Que lui avait été transféré la charge des travaux,

Monsieur X devait donc restituer à l’assureur la part d’indemnité non consommée.

Et c’est là que Monsieur X a commis une erreur : il a cru acheter une maison à 170.000 € avec travaux de son choix alors qu’en fait il achetait une maison avec obligation de travaux de reprise des désordres à hauteur de 175.000 €.